Investir dans la pierre-papier : les SCPI à privilégier, celles à éviter


Avec la hausse des taux d’intérêt, des rendements solides en 2023, et un début d’année 2024 très prometteur, le ciel s’éclaircit pour les épargnants. Outil flexible doté d’une fiscalité préférentielle, l’assurance-vie redevient attractive et le plus sûr des investissements bancaires. Toutefois, dans un contexte de forte inflation, la diversification reste la plus sage des voies. Identifier ses besoins, cerner les différents produits disponibles, négocier son contrat, passer par une société de gestion, surveiller les frais, générer de la performance à long terme : L’Express vous guide.

Rebelote ! En mars, ce sont à nouveau deux poids lourds de la gestion de fonds immobiliers – BNP Paribas Real Estate et Amundi Immobilier – qui ont annoncé la diminution de prix des parts de certaines de leurs SCPI (société civile de placement immobilier). La raison de cette dévalorisation ? Les taux d’intérêt restent à des niveaux élevés, ce qui pèse sur les valeurs immobilières, lesquelles s’ajustent à la baisse pour faire, mécaniquement, remonter le taux de rendement de ces actifs.

Une dégringolade du marché

En 2023, parce qu’ils anticipaient cette décote de prix, les investisseurs institutionnels (assureurs, caisses de retraite, etc.) se débarrassaient en masse de leurs placements immobiliers avant que le marché ne dégringole. “Comme les immeubles détenus en direct sont plus longs à vendre que la pierre-papier, ils ont cédé ces produits en priorité”, explique Sonia Fendler, présidente de Altixia Reim.

Un cercle vicieux s’est ainsi mis en place. Ce mouvement vendeur a particulièrement touché les SCI (société civile immobilière), qui investissaient à la fois en direct dans des biens physiques, mais aussi en parts de SCPI et en titres de foncières cotées, pour disposer d’une liquidité plus forte. Comme elles ont subi une décollecte importante, elles ont été contraintes – à leur tour – de céder certains actifs pour rembourser leurs porteurs de parts. Jusqu’à se retrouver à vendre leurs SCPI.

La crise s’est alors amplifiée dans le monde de la pierre-papier et les gestionnaires de ces placements ont dû trouver des capitaux pour faire face à ces vagues de demandes de rachats. D’ordinaire, ils peuvent compter sur les souscriptions nouvelles pour rembourser les sortants. Mais à partir du troisième trimestre 2023, cette source a commencé à se tarir. De ce fait, certains ont été contraints de vendre des immeubles qu’ils détenaient en portefeuille. Or “ceux qui trouvent preneur rapidement sont souvent les plus rentables, les mieux placés et donc ceux qui valent le plus cher”, souligne un conseiller en gestion de patrimoine. Conséquence de tous ces phénomènes : lorsque le patrimoine immobilier global de ces SCPI a été réévalué à la mi-2022 puis à la fin 2023, des décotes ont été matérialisées.

Aucun fonds de pierre-papier n’offre une garantie sur le capital

Par ricochet, les particuliers détenteurs de ces produits ont été affectés, y compris ceux qui avaient misé sur la pierre-papier pour doper le rendement de leur assurance-vie. En effet, la quasi-totalité des SCPI dont la valeur des parts a baissé étaient éligibles à cette enveloppe. La surprise a été de taille pour tous ceux qui avaient opté pour l’immobilier comme une alternative au fonds en euros. Or, rappelons que dans un contrat d’assurance-vie, aucun fonds de pierre-papier n’offre une garantie sur le capital.

Malgré ces baisses de prix, qui ne touchent – pour le moment – qu’un peu moins d’un quart des SCPI de rendement commercialisées en France, ces placements conservent des rémunérations attrayantes. En effet, l’an passé, selon l’Association des sociétés de placement immobilier, elles ont rapporté – toutes catégories confondues – 4,52 % en moyenne (contre 4,53 % en 2022).

Reste que les épargnants qui ont acheté récemment des parts et comptent les céder prochainement risquent de fortes déconvenues, car ils perdront de l’argent. L’impact n’est pas négligeable puisque les baisses se sont échelonnées de -6 à -17 %. « S’ils ont investi dans ce produit à court terme, ils ont été mal conseillés, car les SCPI demeurent un placement de long terme destiné à assurer des revenus réguliers, pas à encaisser des plus-values rapides”, rappelle Olivier Sénéchal, conseiller en gestion de patrimoine chez OSL Conseil à Caen.

Les particuliers qui ont épargné en SCPI avec un horizon de placement éloigné ne doivent pas pour autant laisser ce placement dormir dans leur contrat. Car maintenant que le plus gros de la crise se trouve derrière eux, c’est le bon moment pour arbitrer un portefeuille ancien ou… pour réinvestir dans des véhicules prometteurs. En effet, certains vont mieux résister à la conjoncture actuelle, compliquée, que d’autres. Quelques-uns pourraient même tirer parti de la baisse généralisée des marchés pour investir à bon compte et s’assurer des rendements futurs élevés. En plus, même si de légères décotes sont encore enregistrées cette année sur quelques SCPI,“sur le long terme, leurs parts se revaloriseront et chaque année, elles continueront de distribuer des revenus réguliers”, assure Nicolas Van Den Hende, directeur de l’épargne chez Sofidy.

Investir avec prudence

Si vous comptez acheter des parts en 2024, faites-le avec prudence, car quelques soubresauts pourraient encore perturber le marché de l’immobilier tertiaire (bureaux, commerces, entrepôts, etc.). A ce titre, mieux vaut éviter, pour le moment, les SCPI dont le patrimoine est fortement investi dans les bureaux, car leur usage se trouve remis en cause par l’essor du télétravail. Notamment ceux situés en première couronne parisienne, achetés en masse, sur plan, lorsque la conjoncture économique restait euphorique et qui peinent à trouver des locataires maintenant qu’ils sont tous sortis de terre. En 2023, cette typologie de SCPI a d’ailleurs affiché, pour la deuxième année consécutive, le plus faible rendement du marché toutes catégories confondues, à 4,1 %. A contrario, le retournement de conjoncture a été moins marqué pour les SCPI spécialisées dans l’hôtellerie et le tourisme, et les commerces ; elles ont conservé un rendement constant, respectivement à 5,1 % et 4,6 %. Enfin, la santé et l’éducation assurent davantage de sécurité au portefeuille, avec 4,5 % de taux de rentabilité ; tandis que la logistique, qui profite de l’euphorie de plus en plus d’investisseurs, a rapporté 5,9 % l’an passé. Enfin, il existe des SCPI “diversifiées”, dont les gérants investissent sur plusieurs typologies de biens. Pari gagnant l’an dernier, puisque cette catégorie a distribué 5,5 % de rendement.

Davantage que le secteur ou la typologie d’actifs, si vous comptez acquérir des parts de SCPI en 2024 ou 2025, examinez avec soin la stratégie de gestion de celles que vous visez. Si vous adoptez une approche opportuniste, en sélectionnant des SCPI dont le prix des parts a baissé, menez ce projet à bien de façon progressive et privilégiez celles dont le patrimoine est diversifié dans des secteurs et des zones géographiques variés. “Cette stratégie permet de faire baisser le niveau de risque global d’un portefeuille”, affirme Stéphanie Galiègue, directrice générale déléguée chargée de la recherche et des études à l’Institut de l’épargne immobilière et foncière.

Pour les mêmes raisons, optez pour des SCPI qui détiennent des actifs valorisés à moins de 15 millions d’euros plutôt que des biens de grande taille très chers. Car “sous ce plafond, les acheteurs restent plus nombreux, ce qui permet à la SCPI de disposer d’un patrimoine plus liquide et donc de moins souffrir de décotes importantes”, explique Sonia Fendler.

Enfin, évitez les SCPI qui subissent encore des vagues de décollecte et n’investissez que dans celles qui attirent encore l’épargne. Car ce sont celles qui pourront profiter des opportunités de marché en achetant, moins cher, des actifs rentables cédés par d’autres. Avec cette stratégie, vous vous garantirez un rendement intéressant et surtout pérenne. Attention, si vous investissez via votre contrat d’assurance-vie, sachez que vous ne pourrez pas souscrire à tous les produits du marché, puisque seuls ceux répertoriés par votre assureur sont accessibles.

Un article du dossier spécial “Placements” de L’Express, publié dans l’hebdo du 11 avril.




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