IA : la voiture autonome, bien plus qu’un gadget

L’intelligence artificielle est déjà une vieille dame pour les ingénieurs automobiles. Depuis une dizaine d’années, elle contribue à la démocratisation des aides à la conduite. Depuis le petit bip irritant qui annonce la proximité d’un potelet le long du trottoir, apparu dans les années 1990, l’assistance au stationnement s’est convertie au créneau automatique, puis à la place scannée dans un lieu précis où la voiture part se garer seule.

Mieux : Valeo travaille avec BMW sur un “voiturier autonome” qui viendra vous chercher au retour d’une semaine de voyage à votre porte de sortie de l’aéroport. Finies les navettes pour traverser Roissy et rejoindre le parking longue durée ! Cette fonction apparaîtra dès 2027 sur certaines séries du constructeur bavarois. “Les équipements qui facilitent la conduite et le confort connaissent un véritable attrait, d’autant qu’ils deviennent plus conviviaux”, constate Antoine Lafay, directeur de la recherche et développement des véhicules autonomes chez Valeo.

Grande vedette du Salon électronique de Las Vegas, en janvier dernier, ChatGPT s’invite désormais dans les habitacles de General Motors, Mercedes, DS, Volkswagen et bientôt Peugeot. Contrairement aux auxiliaires classiques, la machine apprenante comprend facilement le langage naturel. Le passager se plaint à haute voix de la chaleur ? Elle lui propose d’ouvrir la fenêtre ou de lancer la climatisation. A la demande, elle trouve l’épicerie encore ouverte en cette heure tardive, dresse la liste des courses pour la recette prévue, raconte une histoire aux enfants ou celle du monument aperçu en chemin.

“Mais l’auto-apprentissage en toute liberté s’arrête là où la sécurité commence”, prévient Antoine Lafay. Les algorithmes nourrissent la voiture de vastes ensembles de données sur les schémas de conduite, les conditions de trafic ou de nouveaux usages comme les trottinettes électriques.

Des réseaux de neurones artificiels

Les informations en provenance des capteurs, traitées en temps réel, déclenchent des prises de décisions indépendantes sur l’accélération, le freinage, le changement de voie… “Parce que nous avons entraîné le système”, précise Antoine Lafay. Les réseaux de neurones artificiels sont bien plus efficaces que les anciennes méthodes en termes de précision. Pour autant, les éléments collectés continuent d’être validés avant de réintégrer l’automobile à l’instar des mises à jour des téléphones.

Ces évolutions renforcent l’efficacité des dispositifs de perception. La lecture des panneaux de signalisation déclenche l’affichage du pictogramme de limitation de vitesse sur le tableau de bord ; les caméras de recul immobilisent le véhicule quand elles détectent un enfant dans un angle mort… A bon escient ! Depuis le 1er janvier 2024, tous les véhicules neufs sont obligés de disposer d’un panel de sécurité active : freinage d’urgence, prévention de la survitesse, surveillance de la distraction du conducteur due à la fatigue ou à la consultation de son téléphone.

La vigilance demeure cruciale en niveau 2 d’autonomie, celui qui équipe déjà de nombreux modèles : changement de voie automatique, bifurcation vers la bretelle d’autoroute correspondant à l’itinéraire programmé… A ce stade, les mains peuvent lâcher le volant, mais les yeux ne doivent pas quitter l’asphalte.

A partir du stade 3, le pilotage est entièrement délégué dans des conditions géographiques, environnementales et météorologiques bien définies : emprunt de certaines routes, dans une limite de vitesse précise, en fonction de conditions de trafic déterminées. Pas question d’effectuer un Paris-Amiens donc. “On change de paradigme. On passe à des échelons proches de l’aéronautique”, s’enthousiasme Antoine Lafay. Là, les captations d’images et les ondes électromagnétiques ne suffisent plus. Le lidar, avec son rayon laser, devient indispensable. Il balaye l’environnement en permanence et fournit une mesure très précise, à la vitesse de la lumière. Les BMW Série 7, Mercedes Classe S et Honda Legend sont dotées de ce haut degré d’autogestion et homologuées en Allemagne, aux Etats-Unis et au Japon.

D’où la course à la “voiture conçue autour du logiciel”, les SDV dans le jargon du métier. Il s’agit d’évoluer vers une architecture informatique centralisée et de diminuer la complexité des processeurs. “Les modèles actuels possèdent plus de 100 millions de lignes de codes, quand un jet de combat F35 n’en embarque que 13 millions”, précise Payam Shokrzadeh, superviseur software chez Continental. Avec pour avantages de modifier à distance la puissance du moteur, la gestion de la batterie, d’identifier l’usure des pièces et d’installer de nouvelles applications à partir de serveurs en ligne ultrasécurisés.

Des passages au péage accélérés

L’intelligence artificielle vient renforcer la connectivité entre les voitures et les infrastructures et contribue à la fluidité de la circulation. Si un signal indique au régulateur adaptatif que le feu s’apprête à passer au rouge, le moteur décélère de lui-même. Dans la même veine, Valeo collabore avec les autoroutes Paris-Rhin-Rhône pour améliorer le passage des péages. “Le dialogue avec les installations permet d’anticiper la file à prendre en cas de fermeture ou quand un utilisateur bloque une barrière faute de trouver sa carte bleue”, relate Antoine Lafay.

Surtout les échanges de messages concourent à réduire la mortalité. En cas de travaux, ils déclenchent un déport sur l’axe le plus éloigné et protègent ainsi les ouvriers. Ils annoncent l’imminente traversée d’un piéton masqué par une camionnette en livraison. Les ronds-points intelligents, bardés de lidars, préviennent l’usager d’un obstacle caché.

“La prochaine étape concernera la planification de la trajectoire, la prédiction et la prise de décision pour une conduite totalement autonome, sur autoroute par exemple”, annonce Antoine Lafay. Et même la conduite à distance ! Un peu comme les voitures télécommandées de notre enfance. Un opérateur pilotera le véhicule à la façon d’un drone, de sa sortie de chaîne en usine au parking, puis l’acheminera vers le camion destiné à livrer les concessions. Les loueurs apprécieront également de ne plus obliger leur jockey à revenir à pied des stations de lavage vers le bureau d’accueil des clients. Plus besoin non plus de personnel pour la ramener. Un gain de temps précieux pour les activités commerciales.

Non, le véhicule autonome n’est pas un gadget.

Et voilà les tracteurs 4.0 !

Trektor

“Aujourd’hui, l’intérieur d’un tracteur ressemble au cockpit d’un avion.” La formule est de Clément Aubry, directeur de recherche et développement chez Sitia, une PME nantaise qui a conçu Trektor, le premier engin polyvalent autonome et hybride. Alors, sans surprise, les agriculteurs, quel que soit leur âge, le pilotent aisément à partir… d’un téléphone ou d’une tablette. Ils sélectionnent la parcelle à cultiver, le programme désiré (rognage des vignes, sarclage en maraîchage, ameublement du sol…) et affinent en fonction de paramètres de dernière minute, telle la météo.

“On travaille avec le vivant. L’environnement change perpétuellement et il n’y a pas de à route balisée par des lignes blanches. Il en résulte des choix de capteurs et d’algorithmes différents de ceux d’une voiture, mieux à même de prévoir les variations du terrain et de gérer la diversité des besognes”, précise le docteur en robotique.

La machine envoie aussi des informations sur la consommation en temps réel et les besoins de maintenance. Surtout, elle pallie en partie le manque de main-d’œuvre – croissant dans les champs – et libère du temps pour la logistique et… les tâches administratives. En attendant le choc de simplification.

Un article du dossier spécial “Automobile” de L’Express, paru dans l’hebdo du 18 avril.




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