De Teams à WhatsApp… Les dégâts des notifications sur notre concentration au travail


“A quoi sert le management ?”, interrogeait la Une de L’Express le 10 novembre 1969, alors que “le mot et la chose arrivés d’Amérique après la guerre” en étaient à leurs balbutiements dans les entreprises françaises. Cinquante-cinq ans plus tard, le management, son enseignement et sa pratique sont partout. Dans les open spaces, le sport, l’administration, les écoles de commerce, les librairies et parfois même dans des endroits où on ne l’attend pas, comme ces formations qui proposent “le travail à pied avec un cheval pour renforcer la cohésion d’équipe et la prise de décision rapide”. Coaching à gogo, outils gadgets prisés des RH, livres de développement personnel… Jamais les cadres n’ont été autant inondés de discours et pseudo-techniques censés leur faciliter la tâche.

Comme toutes les sciences humaines et sociales, le management ne se prête pas forcément aux sciences dures. Mais les recherches, nombreuses, publiées depuis un demi-siècle – et trop souvent ignorées des entreprises – nous éclairent sur les méthodes qui ont fait leurs preuves ou pas. L’Express en passe quelques-unes en revue. A commencer par les messageries professionnelles.

Slack, Teams, mails, et même WhatsApp voire Telegram… Les messageries sont de plus en plus utilisées par les entreprises, au point que les cadres n’ont d’autre choix que d’en passer par là pour communiquer. Il n’est d’ailleurs pas rare que plusieurs systèmes soient utilisés de concert, sur ordinateur et smartphone. Mais ces messageries sont-elles bénéfiques pour les employés ? Bien que les études scientifiques ne soient pas toujours capables de trancher de manière catégorique les questions liées au monde professionnel, sur ce point précis, elles apportent des réponses claires.

Un risque d’erreur plus élevé

Une grande partie des travaux pointent ainsi du doigt le multitasking(multitâche) qui consiste à jongler fréquemment entre différentes actions comme travailler, lire ses mails, consulter ses textos, etc. “Cela fait longtemps que des études montrent que le multitasking est associé à des difficultés d’apprentissage chez les jeunes, et à une moins bonne régulation de l’attention en général”, indique Séverine Erhel, maître de conférences en psychologie cognitive à l’université Rennes II. La capacité des notifications à capturer notre attention alerte particulièrement, notre cerveau ayant besoin de temps pour s’adapter au contexte dans lequel il évolue. Les notifications sont aussi un obstacle au “flow”, un état de grande concentration particulièrement efficace quand on se retrouve entièrement absorbé par une tâche. “Lorsque vous êtes dans cet état, votre niveau d’éveil – qui permet d’éviter les stimuli non pertinents – est maximum et vous êtes capable de traiter de manière optimale les informations, or le fait d’avoir des interruptions ou des changements de tâches peut altérer votre niveau d’éveil optimal, ce qui peut augmenter le risque d’erreur”, poursuit la chercheuse.

Les messageries professionnelles seraient encore plus néfastes sur smartphone. Un sondage réalisé auprès de 2 000 personnes par l’agence de marketing numérique Tecmark a montré que celles-ci effectuaient 221 tâches par jour sur leur téléphone, contre seulement 140 sur un ordinateur de bureau ou portable. Si dans certains cas les messageries s’avèrent incontournables, limiter leur utilisation apparaît indispensable pour quiconque souhaite optimiser sa productivité, voire son bien-être. Les solutions à mettre en place sont simples : couper les notifications quand il n’y a aucune urgence, retourner systématiquement l’écran de son téléphone sur son bureau, voire activer le mode avion. Ces techniques pourraient également enclencher des cercles vertueux. Une méta-analyse publiée en 2021 dans la revue PLOS One indique ainsi que les personnes qui arrivent à délimiter des moments distincts pour accomplir différentes tâches – un temps pour échanger, pour jouer, pour travailler – ont moins tendance à se livrer par la suite au multitasking de manière effrénée.

Les organisations gagneraient enfin à prendre des mesures pour rationaliser les usages, par exemple en se limitant à un seul canal de communication. “Nous devons imaginer de nouvelles manières de collaborer qui ne reposent pas sur le fait de s’envoyer des messages en permanence. Tant que l’esprit de ruche hyperactif sera le moteur central de la collaboration dans les entreprises, il sera difficile, si ce n’est impossible, de ne pas consulter ses différentes messageries en permanence”, conclut ainsi Cal Newport, professeur associé d’informatique à l’université de Georgetown (Etats-Unis).




Source

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .