Août 2027, un méga-feu dans l’Hérault : l’inquiétante hypothèse d’un “suremballement”


Entre une région touchée par des inondations et une autre frappée d’une sécheresse historique, il n’y a que mille kilomètres. Paradoxal et saisissant effet d’un climat toujours plus bouleversé, et de tensions grandissantes sur les ressources en eau du pays. Chaque été, désormais, impose son débat sur ses usages et sur son accès, alors que les pluies parfois torrentielles de l’hiver ravagent certains territoires. Comment adapter la France à cette nouvelle réalité ? L’Express a souhaité apporter sa pierre à l’édifice d’un débat plus nécessaire que jamais. Ces six “scénarios noirs” de l’eau à l’horizon 2030 en sont la traduction. Ils ne sont ni des prévisions, ni des prédictions. Mais des hypothèses sur lesquelles travaillent déjà plus ou moins directement les pouvoirs publics et industriels, et dont les trames ont été affinées et enrichies par la quarantaine d’experts interrogés : chercheurs, météorologues, hauts fonctionnaires, ingénieurs, assureurs… Tous sont unanimes : la résilience du pays face à ces événements se construit dès maintenant.

La plupart des incendies ne dépassent pas le “seuil médiatique” grâce à la tactique éprouvée des pompiers : attaquer massivement les feux naissants. Mais ils n’ont rien pu faire, en ce début d’août 2027, contre le brasier apparu près de Lodève, au nord de l’Hérault. Toutes les conditions étaient réunies pour un feu extrême, dopé par l’effet “pompe à chaleur”. “Une dépression bloquée sur l’Atlantique ne peut pas poursuivre sa route vers l’est. Elle tourne et fait remonter l’air chaud depuis l’Afrique du Nord sur le sud de la France”, décrit Alix Roumagnac, président de Predict Services, une entreprise spécialisée dans le risque climatique. Sécheresse prolongée, nappes phréatiques à un niveau inquiétant, canicule et vents forts : l’inflammabilité de la végétation est au plus haut sur ce territoire asséché, déjà soumis à de nombreuses restrictions.

Les pompiers du SDIS 34, épuisés par une saison des incendies qui s’allonge avec le changement climatique, foncent vers le foyer. La pinède et la garrigue alimentent le feu, vite incontrôlable. Les premiers camions utilisent l’eau potable des poteaux d’incendie – source qu’ils tentent de préserver. Un “groupe d’alimentation” est engagé, c’est-à-dire des véhicules lourds contenant 15 000 à 20 000 litres d’eau. Ils effectuent des norias vers les mares ou les rivières à proximité, parmi les 350 “zones d’eau brutes” identifiées dans le département. Problème, “un certain nombre de retenues diminuent avec la sécheresse”, constate Eric Florès, directeur des sapeurs-pompiers de l’Hérault et vice-président de la Fédération nationale. Même s’ils travaillent depuis plusieurs années à diversifier leurs ressources en eau, qui se raréfient, les soldats du feu doivent toujours plus s’éloigner pour recharger.

Arbitrages nécessaires

Les appareils de l’Etat sont immédiatement appelés sur les lieux. Le dispositif “La vague” est déclenché : huit avions Canadair et Dash convergent vers le sinistre. Mais la sécheresse exceptionnelle ne leur permet pas d’écoper sur le lac du Salagou, tout proche. Ils doivent voler jusqu’à l’étang de Thau pour remplir leur réservoir. Les rotations sont plus longues d’une vingtaine de minutes, donc moins nombreuses.

L’incendie se propage, attisé par des vents orientés nord-ouest/sud-est. Les évacuations se multiplient : Soumont, Le Bosc, Gignac… Les campings et les gîtes sont vidés à la hâte : l’été, la zone se garnit de touristes qu’il faut prendre en charge. Plusieurs milliers de personnes sont concernées. Quelques jours après son départ, le feu saute l’Hérault – le fleuve – et s’approche de l’est de Montpellier. Le ciel est couleur cendre. Les pompiers déploient de petits barrages sur les cours d’eau environnants pour créer des retenues artificielles. Insuffisant. Ils puisent dans les 5 000 mètres cubes d’eau stockés dans les caves coopératives des viticulteurs, dans les réserves des centres de secours ou dans certaines mairies. Ils se font même ouvrir le réseau des canaux d’irrigation du bas-Rhône. Et mobilisent les trois avions qu’ils louent pour le compte du département, 3 000 litres d’eau dans le ventre.

Les pompiers d’autres régions arrivent en renfort, la coopération européenne est activée. Sauf que le pire n’est pas encore passé : des feux concomitants se déclenchent dans le Var et, phénomène moins habituel mais qui tend à le devenir, dans les Vosges. C’est “un cas de suremballement”, note Valentin Wendling, ingénieur à l’IMT Mines Alès. Le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises, à Paris, prend la main et répartit les moyens. Des appareils sont détournés vers ces autres feux. Dans un rapport de 2022, des sénateurs craignaient déjà “la multiplication de situations dans lesquelles un arbitrage sera nécessaire, avec pour conséquence inéluctable une augmentation des dommages”.

Le vent se calme enfin dans l’Hérault, après onze journées cauchemardesques. L’incendie est maîtrisé, puis éteint trois semaines plus tard. Près de 14 000 hectares ont brûlé. Pire qu’à Landiras (Gironde) cinq ans plus tôt. Quatre morts et des dizaines de blessés. Le plus lourd bilan pour un seul incendie en quarante ans.




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