Discours de Macron sur l’Europe : quand le messager percute le message


La phrase prononcée par cette ministre a la force de l’évidence. “Les élections européennes ne doivent pas devenir un référendum pour ou anti Macron. Nous devons tenir un angle européen.” L’Europe comme planche de salut, la politique nationale reléguée au second plan. Quoi de plus naturel ? L’électorat macroniste est europhile, quand le chef de l’Etat est lesté d’une lourde impopularité. Mais le bon sens lui-même est parfois pétri de contradictions. La majorité a besoin du poids institutionnel d’Emmanuel Macron pour placer l’Europe au cœur de la campagne électorale. Au risque que le messager n’écrase le message. Que l’habitué des Conseils européens ne s’efface derrière “Macron”, président à sanctionner.

C’est dans cette atmosphère ambiguë qu’Emmanuel Macron a appelé ce jeudi 25 avril au sursaut d’une Europe “mortelle”, lors d’une allocution à la Sorbonne, sept ans après une première expression dans le même amphithéâtre de l’université parisienne. Le président de la République y a égrené les succès enregistrés depuis 2017, et a proposé de “répondre par la puissance, la prospérité et l’humanisme” aux défis posés à l’UE.

Esprit de la Ve République ou de Bruxelles

L’Etat, c’est moi. L’Europe, c’est moi. Les présidents de la République ont la fâcheuse tendance à appliquer au continent européen les préceptes de notre monarchie républicaine. Qu’Emmanuel Macron puisse prononcer son discours au moment même où le Parlement européen tient son ultime séance, avec le vote de textes importants, avant le scrutin de juin, apparaît comme un lapsus ô combien révélateur. Or l’esprit de la Ve République n’est pas celui de Bruxelles ou de Strasbourg, il en est à certains égards le contraire. Et quand souffle le vent d’une campagne électorale – c’est la différence essentielle entre Sorbonne 2 et Sorbonne 1, prononcé au lendemain d’une élection et non juste avant – le chef de l’Etat, bien qu’il s’en défende, apparaît d’abord comme un chef de meute. Qu”il préfère le “Nous” au “Je” dans son allocution n’y change rien.

C’est en cela que la figure de Jacques Delors apparaît comme clivante parmi les plus européens des responsables français. Lui fut l’un des rares à privilégier l’esprit communautaire plutôt que l’esprit de la Ve, à exercer longuement la présidence de la commission de Bruxelles et à renoncer à l’exercice de la fonction suprême française. Et ce n’est pas un hasard si Raphaël Glucksmann, quelques heures avant l’intervention présidentielle, s’est réclamé de lui.

Axes de campagne

Cette Ve République, Emmanuel Macron s’y plonge comme dans un lit douillet. Chef de l’Etat, de meute, et directeur de campagne. Pendant près de deux heures, le président de la République en esquisse les axes stratégiques. Par son portrait alarmiste d’une Europe “mortelle” et susceptible de relégation dans les dix prochaines années, il dramatise l’enjeu du scrutin du 9 juin. L’érige en vote existentiel. “Il faut combiner Ukraine et Erasmus, confiait récemment un cadre de la campagne. Montrer la gravité du moment et porter l’enthousiasme européen.”

De ce double conseil, Emmanuel Macron retient surtout le premier. Il dépeint une Europe “dans une situation d’encerclement” face aux grandes puissances régionales et invite les Européens à bâtir une “initiative européenne de défense”. Emmanuel Macron s’arroge enfin le monopole du drapeau européen et consolide son duel face au Rassemblement national. En conclusion de son discours, il étrille le “Oui, mais” des nationalistes européens, discours mêlant refus de sortie de l’UE et euroscepticisme. Les autres forces politiques sont renvoyées à une supposée “timidité” face à la progression des extrémismes, loin de sa propre “audace”. Toutes invisibilisées derrière cette accusation de mollesse. L’Europe est menacée de mort. L’Europe, c’est nous. Si vous souhaitez la sauver, vous savez ce qu’il vous reste à faire le 9 juin. La politique est parfois simple.




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