Philippines : cet exercice militaire géant avec les Etats-Unis qui rend la Chine furieuse


Un exercice militaire annuel… dont les enjeux n’ont peut-être jamais été aussi élevés. Ce lundi 22 avril, commencent les 39e exercices “Balikatan” (“épaule contre épaule” en tagalog, la langue officielle philippine avec l’anglais), organisés conjointement par les Philippines et les Etats-Unis. Traditionnellement contenu à des répétitions d’opérations militaires sur le territoire philippin, le programme a été largement densifié pour cette année 2024, la “plus coûteuse” jamais organisée.

Ainsi, pour la première fois de son histoire, les plus de 16 000 soldats philippins et américains mobilisés manœuvreront notamment hors des eaux territoriales des Philippines, en mer de Chine méridionale. Des exercices qui répondent directement à la menace que fait peser Pékin sur l’Asie du sud-est, explique l’armée de Manille, alors que la flotte chinoise multiplie les manœuvres menaçantes près de Taïwan… mais aussi avec les Philippines.

En témoigne cet incident en décembre dernier, où un bateau philippin et un navire des garde-côtes chinois étaient entrés en collision dans les eaux des îles Spratleys, revendiquées par la Chine, avant de se jeter sur chacun la responsabilité. “La source de tension dans notre région est bien connue de tous”, a justifié le ministre philippin des Affaires étrangères, soulignant que sa décision de renforcer les liens avec le Japon et les Etats-Unis était un “choix souverain” et exhortant la Chine à “réfléchir à ses propres actions” dans la région.

La France également présente

Interrogé par le journal britannique The Guardian, le colonel philippin chargé de superviser ces exercices, Michael Logico, a expliqué que les forces américaines et philippines allaient notamment simuler la reprise d’îles occupées par des forces hostiles tout au nord de l’archipel du pays, à seulement quelques centaines de kilomètres de Taïwan. Mais aussi sur l’île de Palawan, la plus à l’ouest du pays, située en mer de Chine méridionale. Pour la première fois, les gardes côtiers philippins seront également associés aux exercices. Le signe que la question des frontières et de la souveraineté territoriale et maritime n’a peut-être jamais été aussi tendue, face à l’appétit de Pékin dans la région. “Ce sont les revendications maritimes excessives de la Chine et son comportement agressif, y compris sa militarisation des zones revendiquées, qui sapent la paix et la stabilité régionales et font monter les tensions”, assène ainsi la diplomatie philippine.

Ces exercices ne seront d’ailleurs pas uniquement l’affaire de Manille et Washington. Près de 14 pays participeront en tant qu’observateurs, avec notamment le Japon, l’Inde ou encore des pays de l’Union européenne ou de l’Asean (Association des Nations d’Asie du Sud-Est). Mais la France, également, participera pour la première fois activement à ces manœuvres militaires, en déployant une frégate qui naviguera aux côtés des navires philippins et américains dans les eaux territoriales des Philippines, en mer de Chine méridionale. Une volonté de poursuivre la “construction d’une forme d’intimité stratégique souhaitée par le ministre des Armées lors de sa visite à Manille en décembre 2023”, explique l’ambassade de France aux Philippines dans un communiqué.

“Les tensions pourraient s’aggraver”, prévient Pékin

L’annonce de ces exercices inédits n’a – sans grande surprise – que très peu plu au régime chinois, qui s’est empressé de communiquer son mécontentement. Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Lin Jian, a déclaré lors d’un point de presse à Pékin mercredi que Manille “doit être pleinement consciente que lorsque des pays extérieurs à la région sont amenés à intervenir en mer de Chine méridionale pour faire jouer leurs muscles et attiser la confrontation, les tensions pourraient s’aggraver et la région ne deviendrait que moins stable”. Le porte-parole a également déclaré que Pékin “continuera à prendre les mesures nécessaires pour sauvegarder fermement sa souveraineté territoriale et ses droits et intérêts maritimes pour maintenir la paix et la stabilité en mer de Chine méridionale”.

Pékin le sait : les relations entre les Philippines et les Etats-Unis se sont nettement améliorées ces dernières années, à la faveur d’un changement à la tête du pays. Alors que son sulfureux prédécesseur Rodrigo Duterte, président entre 2016 et 2022, assumait pleinement ses positions pro-Pékin, le nouveau chef d’Etat Ferdinand Marcos a fait le choix de se rerapprocher de Washington. Il a notamment rouvert les bases militaires fermées sous le mandat de Duterte, et en a fait ouvrir quatre nouvelles. Ces exercices “Balikatan” en sont la dernière preuve : les tensions entre les Etats-Unis et la Chine sont toujours aussi concrètes.




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