Veolia : la stratégie du géant français pour conquérir les Etats-Unis


Estelle Brachlianoff a le sourire. Un ciel gris pointe derrière les vitres de cette tour de Manhattan où la directrice générale de Veolia est venue présenter, jeudi 18 avril, sa nouvelle stratégie aux Etats-Unis, mais la dirigeante voit loin : “Ce pays est en demande de plus de Veolia”. Traitement de l’eau, des déchets dangereux, production d’énergie : le groupe français est devenu un mastodonte des services environnementaux depuis son rachat d’une partie des activités de son rival Suez en 2022.

Cette OPA a notamment permis à Veolia de croître aux Etats-Unis : entre 2019 et 2023, le groupe y a plus que doublé son chiffre d’affaires. L’année dernière, il atteignait 5,4 milliards d’euros, soit 11 % de son revenu global. Aujourd’hui, Veolia est le premier opérateur privé dans les services de l’eau outre-Atlantique. L’entreprise compte 12 000 salariés, et opère une centaine de sites industriels. “Le rapprochement avec Suez nous a fait changer d’échelle”, souligne la directrice générale.

Un potentiel de développement sans précédent

Du fait des investissements américains massifs au nom de la souveraineté, et de l’attention portée aux problématiques de pollution et d’accès à l’eau, Estelle Brachlianoff voit même dans les Etats-Unis un potentiel de développement sans précédent pour ses activités. “Aujourd’hui, les Etats-Unis sont l’un des marchés des services à l’environnement qui connaît la plus forte croissance. La réindustrialisation stratégique, la rareté de l’eau, la santé publique représentent autant de priorités qui stimulent la croissance de la demande”.

Les dollars en provenance de l’administration Biden pleuvent : 135 milliards pour la décarbonation, 380 milliards pour la dépollution, 370 milliards pour engager la transition énergétique… Le groupe est donc aussi venu chercher aux Etats-Unis les financements qu’il ne trouve pas en Europe.

La promesse de 200 milliards de dollars du gouvernement Biden pour la construction d’usines de semi-conducteurs offre également des opportunités. Car ces micro-composants nécessitent une eau parfaitement pure pour être confectionnés, un domaine dans lequel Veolia compte mettre en avant son savoir-faire. Le groupe a déjà remporté un contrat pour fournir 21 analyseurs d’eau ultra pure à une nouvelle usine de puces électroniques qui a vu le jour en Arizona.

Le groupe est sur tous les coups

Mais le “reshoring”, du nom de la stratégie de souveraineté industrielle américaine, concerne aussi les métaux stratégiques, lithium en tête. Les projets de mines se multiplient pour alimenter les besoins en batteries des voitures électriques. Veolia a flairé l’affaire : “Il faut se rendre compte que pour extraire une tonne de lithium, un million de litres d’eau est nécessaire”, rappelle Estelle Brachlianoff.

Identifier et réparer des réseaux parfois centenaires et souvent vétustes. Déployer des solutions de réutilisation des eaux industrielles. Le groupe est sur tous les coups pour répondre aux besoins. Car à l’échelle mondiale, son ambition est élevée : doubler son chiffre d’affaires d’ici à 2030. L’entreprise entend aussi surfer sur les tendances de fond de la société américaine, et notamment la demande de plus en plus forte pour une eau de qualité, sans polluants. En quelques années, le sujet des pollutions aux PFAS, les substances per- et polyfluoroalkylées, qualifiés de “polluants éternels” en raison de leur persistance dans l’environnement, s’est installé dans l’opinion publique.

C’est désormais la réglementation qui impose le tempo : le 10 avril dernier, l’Agence américaine de l’environnement a défini, pour première fois, des seuils limites dans l’eau courante pour les PFAS qui devront être respectés sous cinq ans. Un défi de taille, mais surtout une opportunité économique, juge-t-on chez Veolia. Un rapport de décembre 2023 estimait ainsi à 200 milliards de dollars le marché de la décontamination outre-Atlantique.

“On anticipe depuis cinq ans le rehaussement de cette réglementation, on a de très nombreuses compétences techniques, et une connaissance fine de la problématique”, assure Karine Rougé, la directrice générale chargée de l’eau au sein de la branche Amérique du Nord de l’entreprise. A quelques mois d’une élection américaine qui aimante tous les regards, Estelle Brachlianoff garde le sien fixé sur le business : la couleur politique de la Maison-Blanche sera sans influence pour Veolia.




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