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Vladimir Poutine, grand profiteur du conflit Iran-Israël ?


L’escalade entre Israël et l’Iran fait déjà un vainqueur sans même que celui-ci ait pris part au conflit : Vladimir Poutine. A 3 700 kilomètres de l’Etat hébreu, confortablement installé dans sa luxueuse datcha de Novo-Ogaryovo, dans la banlieue aisée de Moscou, le président russe se réjouit probablement de la montée des tensions entre Tel-Aviv et Téhéran, qui présente l’avantage de détourner l’attention du théâtre de guerre ukrainien.

Pendant que les chancelleries du monde entier retiennent leur souffle en observant les événements au Proche et Moyen-Orient, l’armée russe continue de frapper l’Ukraine, alors que les livraisons d’armes et de munitions occidentales à Kiev se font attendre.

“Stratégiquement, Moscou a tout intérêt à l’ouverture de ‘fronts secondaires’, estime Jean-Sylvestre Mongrenier, de l’Institut Thomas-More. Ceux-ci conduisent les Etats-Unis et leurs principaux alliés à disperser leur attention et leur énergie politique, mais aussi à réallouer leurs efforts diplomatiques et leurs moyens militaires.”

Narratif anti-occidental

La crise alimente les critiques de la Russie sur l’incapacité de l’Occident à maintenir la paix au Proche et Moyen-Orient. Le ministère russe des Affaires étrangères, lui, “appelle les belligérants à la retenue”. Et distribue les bons et les mauvais points. Après l’attaque iranienne du 14 avril, l’ambassadeur de la Russie aux Nations unies a déclaré que “les mesures iraniennes étaient une réponse à l’inaction honteuse de l’ONU et à l’attaque israélienne contre le consulat iranien de Damas [NDLR : du 1er avril]”. Une manière habile d’exprimer sa solidarité avec le régime de Téhéran, précieux allié qui fournit à l’armée russe des drones Shahed-136 utilisés contre l’Ukraine. Deux semaines auparavant, Moscou avait déjà plaidé au Conseil de sécurité de l’ONU pour la condamnation de l’attaque israélienne sur le consulat iranien de Damas – une demande rejetée par les alliés d’Israël.

Au Kremlin, on se plaît à évoquer la “parade d’hypocrisie” occidentale et à dénoncer le “deux poids, deux mesures” des Nations unies – un refrain déjà entendu après l’attaque du 7 octobre contre Israël et la riposte de Tsahal sur Gaza. “Grâce à la crise, la Russie a une nouvelle occasion de répandre son narratif anti-occidental, explique, dans la capitale américaine, Anna Borshchevskaya, experte au Washington Institute. Pour l’instant, elle est gagnante.”

Un soutien calculé à l'”axe de la résistance”

Dans l’immédiat, Moscou continue d’apporter son soutien à “l’axe de la résistance”, l’alliance politico-militaire entre l’Iran, la Syrie et les milices armées pro-Iran. En octobre, une délégation du Hamas a d’ailleurs été accueillie, à Moscou, au ministère des Affaires étrangères. Et, sous la tutelle officieuse du ministère russe de la Défense, les mercenaires du groupe Wagner entretiennent des liens connus avec le Hezbollah. Mais Moscou reste prudent et calculateur. Il ne faut pas s’attendre à un soutien sans limite en cas de riposte israélienne violente sur l’Iran. “La Russie veille à ne pas détourner ses ressources militaires afin de les conserver en Ukraine, poursuit Anna Borshchevskaya. C’est pourquoi elle craint une explosion du conflit au niveau régional.”

Dans le grand – et complexe – jeu diplomatique, Moscou doit aussi ménager ses relations avec l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et d’autres Etats arabes qui considèrent l’Iran comme un danger”, estime Pavel Baev, professeur à l’Institut de recherche sur la paix d’Oslo. L’autre sujet de préoccupation de Vladimir Poutine concerne le possible déblocage en urgence des fonds pour Israël par le Congrès américain. “Avec l’escalade du conflit avec l’Iran, les Américains pourraient juger nécessaire d’allouer en urgence des aides financières à Israël, ce qui impliquerait de verser aussi le paquet d’aide à l’Ukraine”, ajoute Baev. En jeu : 60 milliards de dollars pour Kiev, une somme qui pourrait permettre aux Ukrainiens de tenir leurs lignes de défense. Poutine le sait bien : la guerre d’Ukraine et la crise israélo-iranienne sont étroitement liées.




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