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Paris 2024 : la dernière manœuvre de l’Etat pour remédier au manque d’agents de sécurité


Après les étudiants, les chômeurs ou les retraités, l’Etat lorgne désormais sur… les fonctionnaires. Ces derniers sont visés par des campagnes incitatives du gouvernement afin de devenir agents de sécurité pour l’été. Selon un projet de décret consulté ce lundi 15 avril par l’AFP, les agents publics pourront ainsi cumuler leur emploi avec des activités de sécurité privées pendant les Jeux olympiques (26 juillet-11 août) et paralympiques (28 août-8 septembre), pour répondre aux difficultés de recrutement dans le secteur.

“À l’occasion de l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques 2024, les entreprises privées de sécurité rencontrent des difficultés de recrutement”, rappelle le gouvernement dans ce texte repéré par les médias spécialisés Acteurs publics et AEF Info. “Parmi les mesures susceptibles d’être mises en œuvre pour atténuer ces difficultés, a été identifiée la possibilité de permettre aux agents publics et ouvriers de l’Etat de cumuler leur emploi public avec l’activité accessoire lucrative de salarié d’une entreprise d’agents de sécurité privé”, est-il encore précisé. Ce cumul d’activités, sur la base du volontariat, “impliquera une autorisation préalable et individuelle de l’employeur public” concerné.

Le dispositif ne durera que deux mois, du 15 juillet au 15 septembre, et seuls les agents déjà détenteurs d’une carte professionnelle d’agent privé de sécurité y seront éligibles. Sollicité par l’AFP, le ministère de la Fonction publique a affirmé que “quelques centaines d’agents publics” (sur un total de 5,7 millions d’agents) seraient potentiellement “concernés” par ce cumul d’activité, reprenant une estimation de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP).

Un impact “a priori limité” ?

Côté syndicat, on estime que le décret aura un impact “a priori limité, car cette possibilité est strictement encadrée”. Pour Stanislas Gaudon, président de la Fédération des services publics CFE-CGC, “ce décret peut être alléchant pour mettre du beurre dans les épinards”. Mais il pointe deux “écueils” : les JOP ont lieu pendant la période des congés d’été, ce qui peut dissuader les fonctionnaires de les sacrifier pour exercer des missions de sécurité privée. Celui-ci ajoute que le projet de décret “sous-entend que les agents publics auraient encore la possibilité de donner du temps et de leur santé” à des activités privées, alors que la fonction publique n’est elle-même “pas super en forme”.

Selon le texte, qui doit être formellement présenté aux syndicats le 23 avril dans le cadre du Conseil commun de la fonction publique (une instance consultative), “l’exercice de l’activité accessoire lucrative (d’agent de sécurité privé, NDLR) ne doit pas porter atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance ou à la neutralité du service d’affectation de l’agent”.

Une prime versée

Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris devraient mobiliser entre 17 000 et 22 000 agents de sécurité privée, selon les jours. Mais le secteur fait déjà face à d’importantes pénuries de recrutement : la Fédération française de la sécurité privée (FFSP) identifie un besoin permanent de 20 000 agents pour compléter les quelque 180 000 effectifs actuels.

Afin de pallier ce manque, l’Etat multiplie ces derniers mois les campagnes incitatives afin de boucler ses effectifs. Une formation spéciale, plus courte (106 heures contre 175 pour un agent de sécurité classique), dédiée à la surveillance des Grands événements (SGE) de plus de 300 personnes, a notamment été réactivée pour des étudiants en charge de missions statiques (palpation, filtrage). La région Île-de-France attribue également une prime de 2 000 euros pour les personnes suivant la formation d’agent classique, visant notamment les personnes au chômage, et de 800 euros pour celles qui choisissent la formation “light” à destination des étudiants.

En février dernier, c’étaient même… les retraités qui avaient été visés par une campagne d’information de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) et de France Travail (ex-Pôle emploi), afin de les inciter à participer aux formations pour rejoindre le secteur durant les JO.

La crainte d’un “effet d’aubaine”

Tony Estanguet, le président du comité d’organisation des JO de Paris (Cojop), se voulait néanmoins rassurant fin mars, assurant devant les députés que “97 % des besoins” en sécurité privée étaient “sécurisés”. Le délégué interministériel aux JO, Michel Cadot, lui aussi auditionné à l’Assemblée nationale, avait affirmé que près de “18 000 personnes” avaient été formées” et que le sujet était “de les fidéliser”, c’est-à-dire de faire en sorte qu’ils soient bien présents à l’été 2024.

Le syndicaliste Bernard Thibault, siégeant au Cojop et ex-secrétaire général de la CGT, avait exprimé en février dernier auprès de l’AFP ses doutes sur l’enthousiasme autour du niveau d’embauche dans le secteur. “Rien ne dit qu’ils iront travailler pour les JO”, expliquait alors l’ex-secrétaire général de la CGT. Le secteur, lui, redoutait un “effet d’aubaine” avec les formations valorisées par des primes. “N’est-on pas en train de donner de l’argent à des personnes dont on sait pertinemment qu’elles ne viendront pas du tout ?”, s’interrogeait Cédric Paulin, secrétaire général du Groupement des entreprises de sécurité privée (GES).

Si des effectifs étaient manquants, il est prévu depuis le début que des renforts de l’armée puissent intervenir, comme ce fut le cas aux JO de Londres, en 2012, notamment. Sébastien Lecornu, le ministre de la Défense, avait fait savoir que 18 000 militaires seront mobilisables pour les JO, dont 3 000 aviateurs chargés de la surveillance aérienne.




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