C’est le plus souvent une histoire de passion et d’amitié, façon élégante de dire que les revues littéraires dépensent plus d’argent qu’elles n’en gagnent. Ce qui ne les empêche pas de faire florès. Il y en aurait en France bien plus de 1 000, recensées sur le site Entr’revues, “la revue des revues francophones” lancée en 1986. Souvent pluridisciplinaires et financées à coups de crowdfunding (financement participatif), de mécénats et de subventions (notamment du CNL), elles font l’objet de petits tirages et s’auto-distribuent pour certaines d’entre elles. Rien qui ne saurait dissuader les nouveaux entrants tels que la revue Estrange, lancée en octobre 2023 et dédiée à l’étrange sous toutes ses formes avec des écrits de science-fiction, mais aussi Portoflio, créée en janvier 2024, qui publie dans son premier numéro trimestriel une rencontre entre le bédéiste Enki Bilal et Invader, figure du street art, ou encore, à l’initiative des éditeurs Louis Vendel et Manor Askenazi, Lettre Zola, une revue singulière mensuelle sous forme d’un livre-enveloppe, envoyé par voie postale, d’un auteur fraîchement primé (Blandine Rinkel, Mathieu Palain, Maud Ventura, Sabyl Ghoussoub, etc.).
On signalera aussi, dans ce flot de nouveautés, la revue trimestrielle Kometa (“comète” en ukrainien) née le 11 octobre 2023 de l’électrochoc de l’invasion russe en Ukraine. Sous la rédaction en chef de Léna Mauger, ancienne de la revue XXI, elle entend éclairer la géopolitique de l’Europe de l’Est avec, en premiers contributeurs, Emmanuel Carrère, Svetlana Alexievitch, Pierre Haski, Timothy Snyder…
Les plus anciennes revues ne désarment pas pour autant, qui s’offrent même un coup de jeune comme la fameuse Nouvelle Revue Française (NRF), fondée en février 1909par André Gide et ses amis Jean Schlumberger, Marcel Drouin, Jacques Copeau, etc.), dont le numéro 657 daté du 21 mars bénéficie d’une élégante nouvelle formule dirigée par la journaliste Olivia Giesbert, une ex de France Culture. Larevue “entièrement écrite par des écrivains” puise dans le patrimoine passé et actuel de la maison Gallimard et déroule les rubriques tel un magazine. Au menu, une belle interview de Salman Rushdie, prélude à la sortie, le 18 avril, du récit de l’écrivain américano-britannique d’origine indienne sur l’attentat dont il a été victime le 12 août 2022 dans l’Etat de New York, (Le Couteau, Gallimard). Puis suivent un dossier “Le temps des guerres”, alimenté notamment par Annette Becker, Arturo Pérez-Reverte, Fellag ou encore Scholastique Mukasonga, une analyse de Jonathan Littell de l’Héliogabale, un drame inédit en quatre actes de Jean Genet, écrit à Fresnes en 1942, et un cahier de critiques.
Chez Gallimard toujours, on annonce, pour le 5 avril, la revue Aventures, diligentée par Yannick Haenel, dans la continuité de L’Infini. On notera enfin la permanence de la plus ancienne d’entre elles, la Revue des Deux Mondes, née en 1829, et propriété de Marc Ladreit de Lacharrière. Qui propose, dans son numéro d’avril, une exploration des bastions wokistes, un article sur Jean-François Revel, qui aurait 100 ans cette année, et un voyage à Tokyo, signé Michaël Ferrier. Longue vie aux revues (et à leurs lecteurs) !
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