Le plan de Macron pour écrire un “nouveau chapitre” avec le Maroc


C’est peu dire que sa nomination est a priori loin d’être un signal d’apaisement. Alors que les relations diplomatiques entre Paris et Rabat sont extrêmement tendues depuis maintenant plusieurs années, le nom de Stéphane Séjourné, depuis janvier le nouveau ministre des Affaires étrangères et chef de la diplomatie française, n’était pas forcément en haut de la liste pour tenter de régler la situation.

Et pour cause : en janvier 2023, le royaume avait pris très personnellement le fait d’être visé par le vote d’une résolution au Parlement européen dénonçant la détérioration de la liberté de la presse au Maroc dont… Stéphane Séjourné, à l’époque chef du groupe centriste Renew à Bruxelles, avait été l’un des principaux architectes.

Et pourtant, à la demande du président de la République lui-même, c’est bien lui qui va “personnellement” œuvrer au rapprochement entre Paris et Rabat, a annoncé le nouveau patron du quai d’Orsay dans un entretien au quotidien Ouest-France, expliquant qu’Emmanuel Macron lui a demandé “d’écrire un nouveau chapitre” dans la relation franco-marocaine. “On a eu plusieurs contacts depuis mon arrivée” en poste, le 12 janvier dernier, avec les Marocains, a précisé Stéphane Séjourné.

Une décennie de tensions

S’il faut rédiger un “nouveau chapitre”, c’est car les pages écrites depuis maintenant près d’une décennie ne sont marquées que par des frictions, des rancœurs et des dégradations. Une détérioration commencée en février 2014 par l’inculpation pour faits de torture d’Abdellatif Hammouchi, le patron des renseignements marocain, proche du roi. Un incident devenu “une véritable affaire d’Etat”, rappelait pour L’Express en septembre dernier l’historien Pierre Vermeren, auteur du Maroc en 100 questions (Editions Tallandier).

Il y a bien sûr eu ensuite le scandale Pegasus, et l’utilisation par le Maroc de ce logiciel espion israélien en 2019 pour mettre sur écoute en France (et dans le monde) des journalistes, des politiques et même le président de la République Emmanuel Macron lui-même. Autre facteur non négligeable : la politique de rapprochement avec l’Algérie voulue par le chef d’Etat français, alors qu’Alger a rompu en 2021 ses relations diplomatiques avec Rabat.

L’épicentre des polémiques fut peut-être atteint en septembre dernier, lorsque le Maroc avait décidé d’ignorer l’aide de la France après le dramatique tremblement de terre qui avait fait près de 3 000 morts et 6 000 blessés. Les relations semblaient alors dans l’impasse avant que l’ambassadeur français au Maroc ne fasse en novembre un mea culpa public et qu’une ambassadrice du Maroc en France soit nommée après des mois de vacances, initiant ainsi une période de dégel.

“Regagner la confiance”

Sans oublier bien sûr, l’épineux dossier du Sahara occidental, si important aux yeux du Maroc, qui fait face depuis près de cinquante ans aux velléités indépendantistes du Front Polisario, son ennemi juré. “Pour tout Marocain, la question de l’appartenance du Sahara occidental au royaume chérifien est un enjeu existentiel”, expliquait à L’ExpressKader Abderrahim, maître de conférences à Sciences Po et auteur de Géopolitique du Maroc (Ed. Bibliomondes). Si la France ne s’est jamais opposée de facto aux revendications du Maroc sur la question, elle ne s’est jamais pour autant impliquée très directement.

C’est d’ailleurs peut-être sur ce sujet que Stéphane Séjourné semble avancer une piste diplomatique. “Dans le passé, on a toujours été au rendez-vous, même sur les dossiers les plus sensibles comme le Sahara occidental, où le soutien clair et constant de la France au plan d’autonomie marocain est une réalité depuis 2007”, insiste ainsi le chef du quai d’Orsay dans les colonnes de Ouest France, ajoutant vouloir “porter des priorités communes, écrire une nouvelle page et avoir un nouvel agenda politique entre nous”, affirmant aussi vouloir “regagner la confiance” du Maroc.

Quoi de mieux que la réaffirmation des positions de Paris sur le sujet du Sahara occidental pour cela. Mais qui dit rapprochement avec Rabat dit irrémédiablement remontée tensions avec Alger. Un numéro d’équilibrisme diplomatique auquel le nouveau chef de la diplomatie française va devoir s’employer pour atteindre ses objectifs.




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