“Le lion rugit toujours” : à Lyon, la classe politique salue la mémoire de Gérard Collomb


“Cher Gérard”. C’est avec cette tendresse laudative qui ponctuera son discours, qu’Emmanuel Macron a ouvert l’oraison funèbre de Gérard Collomb, décédé samedi dernier d’un cancer de l’estomac. C’était ce mercredi 29 novembre aux abords de 11 heures, dans la nef de la cathédrale Saint Jean-Baptiste de Lyon. À quelques pas de la place Bellecour qui avait accueilli un jour de mars 1957, la cérémonie d’adieu à Édouard Herriot, rejoint cet après-midi au cimetière de Loyasse par “son digne successeur”.

Pour commémorer la mémoire de “l’immense maire et homme d’Etat” qu’il fut, les personnalités issues du monde économique, culturel, sportif et politique, ont fait légion. De Tony Parker, à Sylvie Tellier, en passant par Bruno Bonnell, Richard Ferrand, Edouard Philippe, dont Gérard Collomb a été pendant seize mois le ministre de l’Intérieur. Mais aussi Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Najat Vallaud Belkacem, ou encore Jean-Louis Borloo… Assis à droite d’Elisabeth Borne, François Hollande, qui n’a gardé aucune amertume à l’endroit de celui qui restera pourtant un des premiers soutiens d’Emmanuel Macron en 2017. Et le président de la République sait ô combien ce qu’il doit à ce vieil ami. “Vous avez changé ma vie Gérard”.

Le privilège de l’unanimité

Quelques instants avant que le chef de l’Etat ne prenne la parole, le maire du Havre a salué la mémoire d’un “humaniste […] infiniment cultivé” et d’un “social-démocrate” qui a su “rester libre de parcours et d’esprit”. Ce, toujours avec “bienveillance”. Et à raison. Nombreux de ses opposants politiques ont d’ailleurs fait le déplacement. C’est le cas du président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, qui a salué quelques jours plus tôt la mémoire d'”un grand serviteur de sa ville et de son pays”. Mais aussi de l’actuel maire de Lyon Grégory Doucet, et du président de la métropole Bruno Bernard.

Également sur le banc des invités, le maire de Nice. Car bien que “d’horizons politiques un peu différents”, Gérard Collomb était pour Christian Estrosi un “ami sincère”. Être aux côtés de ses proches en ce jour était “un devoir”, a confié l’édile. Et de raconter que “Gérard” ne manquait jamais de lui passer un coup de fil à chaque fois qu’il descendait dans sa ville. Les deux briscards de la politique avaient alors coutume de se retrouver à la Petite Maison, “chez Nicole” (le nom de la propriétaire du restaurant, NDLR) où ils partageaient un repas. Leur dernier tête à tête date remonte à “quelques mois”. “Je peux vous dire qu’on en a raconté des choses sur les uns et les autres”, souris Christian Estrosi. Emmanuel Macron résume : “une telle unanimité est rare, et elle est le privilège des responsables qui ont profondément marqué leur époque”.

Gérard Collomb “devenu Lyon fait homme”

Deuxième ville de France, mais première dans son cœur, à en croire les témoignages des plus hauts cadres de l’Etat qui “ont eu le privilège et l’honneur” de croiser son chemin. Car si “cette passion pour Lyon ne fut pas immédiatement réciproque, relève Edouard Philippe, (sa) patience, (sa) constance, (son) talent” lui permit de “réussir à se faire aimer”. Au point, après deux décennies passées à l’Hotel de Ville, d’être devenu “Lyon fait homme”. La formule est du président.

Et légitime dira-t-on. Tant ce “digne successeur d’Herriot” fut “un bâtisseur” qui fit passer “Lyon du statut de belle endormie à sublime éveillée”. Et Emmanuel Macron de poursuivre : “un bâtisseur de projets économiques, […] de quartiers, […], d’espoirs pour les jeunes de banlieues, […] d’expériences, […] d’avenir”. Visionnaire, on le désigne comme le pionnier des vélos urbains, les fameux “vélov’”, mais également comme le père du plan climat. Suffisant pour arracher à son successeur le titre de “premier écologiste de la cité des Gaules”. Grégory Doucet appréciera.

Un style iconoclaste

Maire, député, sénateur, et ministre. Ce fils de femme de ménage et de père métallo né à Chalon-sur-Saône en 1947 n’a rien à envier à la nouvelle génération d’hommes et de femmes politiques. Lorsqu’il entre au gouvernement en tant que premier ministre d’Etat dans l’ordre protocolaire, Edouard Philippe qui le rencontre pour la première fois, relève immédiatement son style, qui dénote. Cette “aura” qui lui évoque celle des “grandes figures qui ont marqué la IIIe République”, et qui tranche avec “les ministres plus jeunes”.

Rapidement, le locataire de Matignon découvre son “franc-parler qui pouvait détoner” et dont il admet avec amusement, “avoir fait les frais”. Il aurait pourtant pu s’y préparer. Les coups d’éclat de celui que les Lyonnais surnomment affectueusement “Gégé” étaient connus de tous. Mais “Gégé”, ce n’était pas que ça. C’était aussi celui qui, tout juste nommé ministre de l’Intérieur, ne manquait pas d’accompagner ses filles déjeuner le samedi au Hard Rock Café. Et qui pouvait passer des heures à discuter “philo” avec son fils. Ou se déchaîner sur du Rock’n’roll avec ses enfants.

Mais même entouré de ses proches, Gérard Collomb ne perdait jamais de vue la politique, pour laquelle il a consacré sa vie, et délaissé sa passion pour la voile. Arrivé tout droit de Dijon, son ami François Rebsamen se remémore une séquence politicarde dont Gérard Collomb avait le secret : “On était tous les deux membres du groupe socialiste au Sénat, nos relations avec le gouvernement étaient très mauvaises. Je l’incitais à ce que Lyon s’engage…” Et le maire des gones d’éructer : “S’il ne me donne pas les 150 millions que j’ai demandés pour le CHU, jamais, jamais je n’aiderai ce gouvernement”. En un mot comme en cent, même après plus de quarante ans de vie politique, “le lion rugit toujours”.




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