On a pris un sacré coup de jeune le 12 octobre en voyant tomber la deuxième liste du grand prix du roman de l’Académie française et ses trois auteurs sélectionnés déclinant le fameux Galligrasseuil des années 1960-1990 avec Dominique Barbéris (Gallimard), Antoine Sénanque (Grasset) et Sarah Chiche (Seuil). Le “bon vieux temps”, dominé par ces trois doctes maisons et quelques faiseurs de prix comme Yves Berger (Grasset), où l’on cumulait les postes et les fonctions (juré ici, éditeur là) et multipliait les préfaces chèrement payées afin de s’accorder les grâces de tel ou tel juré, voix qu’on troquait au besoin.
Si les combats furent vifs, c’est que l’obtention d’un grand prix d’automne peut changer la vie d’un auteur et donner de belles couleurs à une maison d’édition. Evidemment, les “médailles” ont une hiérarchie, en termes de potentiel de ventes s’entend. Ainsi, le Goncourt, surnommé le Graal, fait vendre en moyenne et en grand format quelque 360 000 exemplaires, suivi du Goncourt des lycéens (environ 315 000), du Renaudot (220 000), de l’Académie française (120 000) – les deux derniers chiffres étant à inverser suivant les décennies – et du Femina (95 000), l’Interallié et le Médicis fermant le ban.
Mais alors, qu’en est-il aujourd’hui du fameux trio ? Il semble en partie révolu. Nous nous sommes en effet “amusé” à comptabiliser les gagnants des grands prix d’automne depuis dix ans. Avec six trophées en tout, et pas un seul prix Renaudot, Femina et de l’Académie française, le Seuil semble avoir largement perdu du champ. Grasset fait bien mieux, avec 13 couronnes, mais ne récolte aucun Goncourt, ses points forts demeurant le Renaudot et l’Académie française. Reste Gallimard, toujours en pointe avec 16 lauriers, mais seulement deux Goncourt, un maigre magot comparé aux décades précédentes, Actes Sud, Albin Michel ou encore Stock et Flammarion étant rentrés dans la ronde des prix.
La maison vient toutefois de remporter le grand prix du roman de l’Académie, décerné à Dominique Barbéris pour Une façon d’aimer, un trophée d’autant plus précieux en cette année de grands bouleversements éditoriaux et de bougeotte des auteurs qui, on le sait, sont irrésistiblement attirés par les éditeurs à prix. Et la timbale de chez Drouant ? A la merci de l’insondable souveraineté des jurés…
Source