“La pollution de l’air pire que l’alcool et le tabac” ; “Santé : la pollution de l’air plus mortelle que le tabagisme et l’alcool” ; “Les particules fines encore plus dangereuses que le tabac et l’alcool !”… Il était difficile, ces derniers jours, d’échapper à ces gros titres, tirés d’un rapport publié par l’Institut de politique énergétique de l’université de Chicago (EPIC) sur la qualité de l’air dans le monde, et repris en boucle sur Internet. Pourtant, si les particules fines émises par les véhicules motorisés, l’industrie et les incendies sont indéniablement toxiques pour nos organismes, on peut difficilement conclure de ces travaux que ces polluants seraient plus néfastes que l’alcool et la cigarette – en tout cas, pas en France, ni dans la plupart des pays les plus riches.
Que dit exactement cette étude ? Au niveau mondial, l’impact des particules fines sur l’espérance de vie globale est “comparable à l’effet du tabac, trois fois supérieur à celui de l’alcool, cinq fois supérieur à celui des accidents de voiture, et sept fois supérieur à celui du Sida”, notent les auteurs du rapport. Mais ce fardeau pèse essentiellement sur l’Asie et l’Afrique : ces deux continents concentrent, à eux seuls, plus de 90 % des années de vie perdues du fait de la pollution atmosphérique. Contre à peine plus de 4 % aux Etats-Unis et en Europe, où la situation s’est beaucoup améliorée au cours des dernières décennies.
Comme le rappellent les auteurs du rapport, la directive européenne pour la qualité de l’air a permis de réduire cette pollution de près d’un quart depuis 1998. Sur notre continent, les populations les plus exposées se trouvent par ailleurs largement dans les anciens pays de l’Est, ainsi que dans les régions industrielles du nord de l’Italie, autour de Milan.
En France, la pollution de l’air cause 40 000 décès par an
En comparaison avec ces régions, la situation dans le reste de l’Europe, et notamment en France, apparaît bien meilleure. Dans notre pays, le taux de particules fines atteint en moyenne 9,2 μg/m3 d’air selon les données rassemblées par les chercheurs américains. Soit un niveau inférieur aux nouveaux standards que la Commission européenne voudrait fixer à l’horizon 2030, de 10 μg/m3. Atteindre le seuil recommandé par l’Organisation mondiale de la santé, de 5 μg/m3, permettrait de gagner 0,4 année d’espérance de vie supplémentaire en moyenne par personne – contre par exemple 6,8 années supplémentaires au Bangladesh, ou 2,5 années en Chine.
D’après les dernières données de Santé publique France, la pollution de l’air serait responsable de 40 000 décès chaque année dans notre pays. C’est encore beaucoup trop – mais beaucoup moins que la cigarette : en comparaison, le tabac tue 75 000 personnes tous les ans en France. Et c’est même moins que l’alcool, à l’origine de 49 000 victimes directes, sans compter les dommages indirects, accidents de la route ou violences, dans lesquels les boissons alcoolisées s’avèrent très souvent impliquées.
Cela ne veut pas dire, bien sûr, qu’il ne faut pas continuer les efforts en matière de qualité de l’air. D’abord parce que ces données portent sur la France entière, et pour l’évolution des quantités de polluants présents dans l’air, ne sont que des moyennes. Comme le montrent les travaux des chercheurs américains, les habitants de la région parisienne, du nord de la France et de la métropole de Lyon restent plus exposés aux particules fines que ceux du reste du pays. Une pollution dont les conséquences vont bien au-delà des décès prématurés, puisque différents travaux de recherche ces dernières années ont pointé des liens possibles entre pollution de l’air, démence et maladie d’Alzheimer, ou encore avec l’apparition de cas d’autisme quand les mères sont exposées de façon importante pendant leur grossesse.
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