L’annonce en février de sa candidature est passée totalement inaperçue. Mais, après le premier débat télévisé, où Vivek Ramaswamy s’est montré très combatif, il est devenu la coqueluche du Parti républicain, se hissant à la troisième position dans les sondages, derrière Donald Trump et Ron DeSantis, le gouverneur de Floride. Depuis, ce millionnaire d’origine indienne de 38 ans fait salle comble dans l’Iowa et le New Hampshire et donne chaque jour des dizaines d’interviews, où il se présente comme l’héritier de Donald Trump.
Comme l’ancien président, il a fait fortune dans les affaires (biotechnologies), n’a aucune expérience en politique et adore les projecteurs. Il a aussi son côté bravache, sûr de lui, et un énorme bagout qui a exaspéré ses rivaux lors du débat. Son objectif, dit-il, est de “pousser plus loin” le programme “L’Amérique d’abord” de Donald Trump. Pour cela, Vivek Ramaswamy veut démanteler le gouvernement fédéral en supprimant le FBI, le fisc, le département de la Santé et des Services sociaux et éliminer 75 % des fonctionnaires ! Il prône aussi le retour à l’étalon-or, n’entend pas protéger Taïwan vis-à-vis de la Chine au-delà de 2028, car l’Amérique ne dépendra alors plus de l’île pour ses semi-conducteurs. Enfin, le trublion au sourire carnassier veut stopper toute aide à l’Ukraine et négocier avec Vladimir Poutine. Il s’est dit “choqué” que certains de ses adversaires aient fait “un pèlerinage” pour voir le “pape Zelensky” à Kiev, alors qu’ils ne sont pas rendus sur l’île de Maui, à Hawaï, ravagée par un incendie en août. “Vous n’avez aucune expérience en politique étrangère et ça se voit”, l’a tancé Nikki Haley, l’ex-ambassadrice à l’ONU, lors du premier débat télévisé.
“Vivek promet la lune”
Comme son mentor, Vivek Ramaswamy pratique l’art de la provocation, indispensable pour attirer les médias. Il milite par exemple pour un amendement constitutionnel qui repousserait le droit de vote à 25 ans, sauf si les jeunes passent un test d’instruction civique. Il clame que “plus de gens meurent des politiques de lutte contre le changement climatique que de l’actuel réchauffement”. Et il répète que s’il est élu il va gracier Donald Trump, “le meilleur président du XXIe siècle”. “Vivek promet la lune et les étoiles. Il ne comprend pas qu’il dépend du Congrès pour faire passer des réformes, remarque l’historien présidentiel David Pietrusza. De plus, il méconnaît la Constitution et la manière de faire voter des amendements.” Et malgré son slogan trompeur – “La vérité” –, il ressasse les théories complotistes de l’extrême droite. Le gouvernement, affirme-t-il, a caché des choses sur le 11 Septembre et sur insurrection du Capitole du 6 janvier 2021.
Né dans l’Ohio de parents immigrés originaires du Kerala, en Inde (père ingénieur, mère psychiatre), Ramaswamy est un genre de surdoué. Outre des études de biologie à Harvard puis de droit à Yale, il est aussi un excellent pianiste et un joueur de tennis de haut niveau. A la fac, il compose des raps libertariens sous le nom de Da Vek, et, en campagne dans l’Iowa, le cabotin s’est amusé à imiter le rappeur Eminem – au grand dam de ce dernier. Après Harvard, il travaille pour un fonds d’investissement et décroche une bourse pour Yale d’une organisation de la famille de George Soros. Ce qui ne manque pas d’ironie, car le milliardaire de gauche est la bête noire des Républicains.
Montage astucieux
Père de deux enfants, marié à une chirurgienne, il crée ensuite Roivant Sciences, qui reprend des brevets pour des médicaments abandonnés, souvent par manque de financement, au stade de l’expérimentation. Il lève une centaine de millions et rachète à GlaxoSmithKline un traitement contre la maladie d’Alzheimer pour une bouchée de pain. Avant même d’avoir fini les tests, il vante partout son efficacité et cède une partie de ses actions à un fonds d’investissement, ce qui lui rapporte un pactole. Pourtant, le médicament est un échec. Mais, grâce à un montage astucieux, l’entrepreneur évite les pertes. En 2019, il revend une partie des activités de Roivant à un conglomérat japonais et empoche 175 millions de dollars. Puis il confonde une société de gestion d’actifs et écrit des livres, notamment sur le wokisme dans l’entreprise.
Sa popularité ? “Elle tient au fait que c’est un nouveau venu qui veut secouer le système et un bon orateur assez charismatique”, estime Sarah Shah, activiste démocrate d’Indian American Impact, une organisation chargée de mobiliser l’électorat indo-américain. Peut-il emporter les primaires ? Probablement pas. Donald Trump reste le grand favori. Et Vivek Ramaswamy est hindou, une hérésie pour l’écrasante majorité blanche et chrétienne du parti. Qu’importe ! L’ambitieux pourra toujours briguer un poste dans l’administration… si son mentor est élu.
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