La circulation généralisée de l’information permise par Internet repose sur un réseau d’infrastructures dont la réalité concrète est assez largement méconnue. Avec Les Câbles sous-marins, Camille Morel, juriste et chercheuse en relations internationales, fait l’état des lieux de cette tuyauterie par laquelle transitent les messages et les échanges de la Toile. Comme le montre bien son livre, l’opinion est fascinée par les satellites et par l’aventure spatiale qui accompagnent le développement international des télécommunications alors que l’essentiel du trafic Internet passe par des câbles immergés, ceux qui joignent les Etats-Unis à l’Europe d’une part, et ceux du réseau asiatique en pleine croissance d’autre part.
La France en pointe
Au total, 1,3 million de kilomètres de câbles parcourent la planète. La configuration de ce réseau tient à son histoire, et notamment à la façon dont le télégraphe s’est implanté au XIXe siècle. Dominé par le Royaume-Uni, ce siècle nous a laissé en héritage une “toile” centrée sur Londres ainsi que des opérateurs et des gestionnaires essentiellement européens. La France compte encore parmi les pays de référence qui posent des câbles et en assurent l’entretien. Cette situation privilégiée s’explique à la fois par l’existence ancienne d’ingénieurs de haut niveau impliqués dans la transmission de l’information, et par un atout souvent négligé de notre pays : sa situation géographique quasiment en vis-à-vis de la côte est des Etats-Unis.
Des lacunes préoccupantes
La discrétion, voire l’ignorance, qui entoure cette industrie l’a jusqu’à présent relativement préservée, notamment des attaques malveillantes. En pratique, les pannes ou les avaries qui perturbent son fonctionnement sont presque exclusivement les conséquences involontaires de l’action des pécheurs. Camille Morel alerte cependant sur les lacunes juridiques qui existent aujourd’hui concernant la propriété des câbles, les menaces de détournement des données transmises ou leur utilisation à des fins guerrières. Cette dimension devient de plus en plus déterminante, au fur et à mesure que l’échange d’informations cesse d’être la chasse gardée des Occidentaux. Pour éviter d’en faire un objet de conflit, elle appelle à une concertation systématique des principaux utilisateurs. Voilà un livre très original qui apprend beaucoup et amène à réfléchir sur un équipement devenu crucial dans notre vie de tous les jours.
Les Câbles sous-marins
par Camille Morel. CNRS éditions, 200 p., 10 €.
Note : 4/5
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