Rien ne change. Comme à chaque rentrée depuis la nuit des temps, le gouvernement cherche des pistes d’économies, veut supprimer les niches fiscales inutiles, souhaite s’attaquer aux dépenses improductives. Chaque année, c’est le même discours, les mêmes souffrances des ministres sommés de tailler dans leur budget, les mêmes protestations de ceux qui bénéficiaient de ces dépenses ou de ces aides fiscales et, au bout du compte, le même résultat : la France reste championne du monde des dépenses publiques et son déficit se réduit marginalement, avant, en général, de réaugmenter significativement.
Ultra court terme
Cette rentrée 2023 est un modèle du genre, avec un ratio souffrance/efficacité à son maximum. Le président de la République, la Première ministre et le ministre de l’Economie affichent de concert leur volonté de ne pas augmenter les impôts des ménages. Bruno Le Maire ne cesse de répéter que l’heure du désendettement public a sonné. On va donc, par petites touches, relever les taxes qui frappent ceux que le consensus médiatique considère comme des méchants : les entreprises énergétiques, les sociétés autoroutières, les compagnies aériennes… Ajourner les baisses d’impôts promises sur les classes moyennes. Etaler celles qui étaient prévues, la CVAE pour les entreprises notamment. Et raboter des dépenses – les aides au logement – alors qu’on s’était interdit de le faire.
Cette stratégie de l’ultra court terme permettra d’afficher dans le budget 2024 un déficit budgétaire en léger recul (moins de 5 % du PIB) et une dette publique quasiment stabilisée (à moins de 115 % du PIB), corroborant le sérieux du gouvernement et la crédibilité financière de notre pays. En faisant cela, on aura créé des mécontentements mais sans être durablement utile au pays car on aura, une fois de plus, refusé de regarder la sphère publique en face. Depuis cinquante ans, on fait comme si nos dérapages budgétaires étaient la conséquence d’un simple laxisme financier que le retour à une saine gestion finira par corriger. C’est une profonde erreur. L’analyse des finances publiques en France ne peut être disjointe du niveau élevé des prélèvements obligatoires, de la décrépitude de l’école et de l’hôpital, du malaise des fonctionnaires et de l’impuissance publique.
Le miracle ne vient jamais
Nous devons abandonner la comptabilité en silo pour analyser d’un même mouvement l’action publique et son coût. Encore trop peu de responsables politiques nationaux – les élus locaux connaissent mieux le problème car ils le vivent – s’avouent la vérité : notre sphère publique empile les normes, rémunère trop de gens et trop mal, et ne sait pas s’évaluer. L’exemple du système de santé est frappant : à chaque dysfonctionnement (urgences, pédiatrie…), hop !, un plan ad hoc et un budget supplémentaire, puis on passe à autre chose. Plutôt que de libérer et donner de l’autonomie, on dépense, on surréglemente et on attend un miracle qui ne vient jamais. On fait de la communication, en annonçant des centaines de millions d’euros en plus, mais on ne règle rien. Presque toute notre sphère publique fonctionne sur ce modèle. Hormis le plan de Gérald Darmanin quand il était ministre des Comptes publics pour recruter davantage de contractuels, rien n’a été fait depuis six ans pour traiter ce sujet.
Si l’on prend davantage de recul, la dernière réforme d’ampleur de notre organisation publique est celle voulue par Nicolas Sarkozy en 2010 visant à rapprocher les départements et les régions en créant le conseiller territorial, qui représenterait les deux entités. L’idée était habile, et sans doute efficace. Elle a réveillé tous les conservatismes, comme l’ancien président le rappelle dans Le Temps des combats, qu’il vient de publier chez Fayard. Cette réforme a finalement été supprimée par François Hollande. Un vrai gâchis.
Dépenser d’abord pour économiser ensuite
Ce dont notre pays a aujourd’hui besoin, c’est d’un immense plan de restructuration de nos services publics avec, en ligne de mire, la satisfaction des usagers contribuables. Comme dans une entreprise, cela coûtera de l’argent. Eh oui ! Pour diminuer demain notre déficit, il faut l’augmenter tout de suite. Mais intelligemment. Plutôt qu’un 4 % de déficit budgétaire, nous aurions besoin d’un 5 % qui soit un 4 + 1. Les 4 % qui correspondent au fonctionnement actuel du secteur public, le 1 % à investir dans les départs volontaires, les nouvelles technologies, la réorganisation pour donner davantage de marges de manœuvre aux services et aux agents. C’est ce 4 + 1 qui nous permettra de descendre à 3, puis à 2, etc. Vous me suivez ?
* Nicolas Bouzou est économiste et essayiste
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