Philippe Brun, le socialiste qui veut murmurer à l’oreille des électeurs de Marine Le Pen


On ne dirait pas à première vue, mais Philippe Brun est jeune et socialiste. Il a le visage poupin de la trentaine candide que dévorent de grands binocles, une petite barbichette effet mousquetaire, une chevelure soignée. Le costume est bien taillé, rien d’opulent. Il a fait Sciences Po et l’ENA, un tour dans les jupons de Ségolène Royal, quelques stages à l’Assemblée nationale avec Axelle Lemaire, qu’il refusera de suivre au secrétariat d’État au Numérique dans le premier gouvernement Valls. Bref, un député comme le Parti socialiste en a fait, refait et défait… Et pourtant Philippe Brun ne ressemble à aucun autre de ses pairs de la Nupes, et a fortiori du PS.

Est-ce parce qu’en privé, Marine Le Pen dit le plus grand bien de cet élu de l’Eure, le seul socialiste élu d’un département assiégé par le Rassemblement national ? En juin 2022, il s’en est fallu de peu pour que sa circonscription, celle de feu Pierre Mendès France, bascule dans l’escarcelle du parti d’extrême droite. “J’ai vu la mort de la gauche de près. Jean-Luc Mélenchon n’a fait que 17 % au premier tour quand Marine Le Pen arrivait en tête avec 38 %. Ma circonscription n’était plus à gauche”, regrette-t-il. Ici, dans un territoire rural, l’un des déserts médicaux les plus arides du pays où les gilets jaunes ont fourmillé bien plus qu’ailleurs, les esprits sont “RNisés” depuis plusieurs années.

Des ronds-points, des frites et des saucisses

S’installer dans ce département normand, ce n’était pas le plan de carrière de ce fils d’une professeur de Français – “vaguement de droite”, sourit-il – et d’un père agent EDF – “qui a dû voter Fillon en 2017”. Une fois énarque, il se voyait bien à Bercy, au Trésor, peut-être à la direction générale des entreprises. L’occupation des ronds-points par les gilets jaunes en 2018 va bousculer ses projets. “Je suis revenu chez mes parents en attendant mon classement à l’ENA et je voyais mes copains du collège sur les ronds-points, avec un gilet jaune sur le dos. En discutant avec eux j’ai vu un peuple à l’état brut qui sortait de son individualisme, de son abstentionnisme militant, de son apathie parfois et qui venait se politiser. Ça parlait d’impôts, de RIC, etc. J’entendais de nouvelles idées qui pouvaient renouveler notre logiciel comme Mai 68 l’a fait avec la gauche des années 70”, raconte Philippe Brun, convaincu “que les espoirs de novembre 2017 régénéreront la gauche des années 2020”.

Adieu le Trésor, alors. Le jeune énarque prend son barda, retour chez papa et maman à Louviers. Il file au tribunal administratif, s’installe dans un appartement et se prépare pour les municipales, aidé par quelques gilets jaunes locaux dont Ingrid Levavasseur, l’une des figures du mouvement. Rien n’y fait, le RN s’installe, toujours plus fort. Il perd l’élection municipale puis les départementales. “Il était l’un des très rares à se battre, alors qu’il n’avait même pas trente ans”, se souvient Michaël Delafosse, le maire de Montpellier, à 700 kilomètres de là, le seul à l’appeler les soirs de défaites pour le convaincre de continuer et d’aller jusqu’aux législatives. “Le terrain, je n’ai que ça”, résume Brun, organisateur des “foires à tout”, ces célèbres fêtes populaires de villages normands. Une façon pour lui de reconnecter la classe politique et la France d’en bas. Le 2 septembre s’en tient une nouvelle, avec “des manèges, des concerts, des frites, des saucisses”, mais aussi l’insoumis Alexis Corbière, le socialiste anti-Nupes Nicolas Mayer-Rossignol, l’écologiste Karima Delli.

Obsession

Philippe Brun développe sa ligne, un peu trop vite, un peu trop fort, un peu trop contre le PS au goût de certains socialistes. Un auto-entrepreneur de plus au sein de la maison rose. Un député des plus organisés, que ses collègues regardent avec étonnement quand il débarque au Palais Bourbon avec son armée de collaborateurs, des stagiaires pour beaucoup, comme s’il avait son propre cabinet, comme s’il avait un entourage, un clan. Une petite cour autour d’un petit artisan de la politique. En juin dernier, on lui a reproché ses coups de menton médiatiques sur l’immigration, notamment dans un entretien à L’Express où il reproche à la gauche de ne pas avoir été “au rendez-vous” avec ce sujet. Qu’importe qu’il ne soit pas membre du groupe de travail du PS sur la question ou dans la commission à propos, Philippe Brun a besoin d’être vu et entendu sur ce thème, porteur, et tenu d’une main de fer par le RN.

À bien des égards, il rappelle Arnaud Montebourg, dont il a été le directeur de campagne en 2022. Les deux hommes sont restés amis, dînent régulièrement ensemble, cet été encore au domicile de l’ancien ministre. Au menu, beaucoup d’encouragements mais Brun ne le suivra plus en campagne, tant il garde un triste souvenir de la dernière aventure présidentielle avortée et chaotique. “Il est plus à droite que moi sur la sécurité et l’immigration. Je n’écoute pas toujours ses conseils”, concède Brun. À son tour de porter l’héritage du “montebourisme”, ce courant souverainiste de gauche, porté par l’homme à la marinière, qui se veut plus proche des couches populaires de la société que la social-démocratie d’un François Hollande et l’insoumission d’un Jean-Luc Mélenchon. Ses amis Arthur Delaporte et Boris Vallaud, le chef de file des députés PS, saluent un camarade “précieux”, “dans un corps à corps face au RN”. “La lutte contre l’extrême droite, ça l’obsède”, explique le premier, ambigu.

Fort Alamo

Au début de l’été, le ton est monté entre les deux jeunots du PS. Dans un article du Monde sur l’implantation du RN dans l’Eure, Philippe Brun admet que la présence du parti de Marine Le Pen s’est “banalisée”. “Il n’y a plus, hormis dans la population d’origine immigrée, de détestation du RN.” Devant l’article, son camarade Arthur Delaporte s’étrangle. Une longue explication, houleuse, suivra, sur la boucle WhatsApp des parlementaires socialistes, puis en tête-à-tête. “Ce qu’il a dit est tout simplement faux ! Il n’y a pas que des immigrés qui détestent le RN, il y a aussi plein d’ouvriers, renchérit aujourd’hui Delaporte. Ce sont des effets de manches un peu simplistes qui confortent les stéréotypes de l’opinion sur la gauche.” Et de s’agacer : “Moi, je ne vais jamais dire que l’implantation du RN est réussie parce que je refuse de donner le point à l’adversaire. Je suis partisan de la digue face à l’extrême droite, et lui aussi je n’en doute pas mais il faut savoir : soit on est Fort Alamo, soit on est autre chose…”

À trop être “obsédé” par le RN, la digue se fissure-t-elle chez Philippe Brun ? “C’est l’héritage de Montebourg et de Chevènement de marcher sur la ligne de crête avec le RN, et ça peut lui arriver de mettre un pied du mauvais côté”, concède un cadre du PS. Chez les frontistes, on blague d’une proximité, au moins dans le texte, avec le député socialiste. “De toute façon, Philippe Brun finira par nous rejoindre”, s’esclaffe Renaud Labaye, le secrétaire général du groupe RN à l’Assemblée nationale, qui salue un “socialiste honnête, guidé par la défense de l’intérêt national”.

Le devoir d’une génération

Un épisode particulier a donné des sueurs froides aux socialistes. En février 2022, dans l’Hémicycle, Philippe Brun porte une proposition de loi visant à la nationalisation du groupe EDF et le texte séduit sur tous les bancs de l’opposition, du PCF jusqu’au RN en passant par le LR. Le gouvernement s’oppose fermement à l’idée de renationaliser l’électricien, mais les rangs de la majorité sont plus clairsemés qu’à l’habitude et le texte de Brun a toutes les chances de passer, encore faut-il que les députés de l’opposition se mobilisent, et en particulier ceux du RN. C’est la grande inquiétude de Philippe Brun. Dans les couloirs du Palais Bourbon, on raconte qu’il aurait appelé le RN pour leur demander de mobiliser leurs députés et faire passer le texte.

La rumeur enfle, et Philippe Brun dément, les yeux dans les yeux de Boris Vallaud, chef des députés PS, être allé chercher lui-même les voix du RN. “Ce n’est pas lui qui m’a téléphoné, mais un de ses collaborateurs, la veille du vote, m’appelle pour savoir si on sera bien présents au vote. Je l’ai rassuré”, raconte le RN Renaud Labaye. Un échange confirmé par Philippe Brun, qui évoque plutôt “une stagiaire qui s’est retrouvée assise aux côtés d’un RN, lui a demandé s’ils seraient nombreux et elle me l’a rapporté, c’est tout.” Il renchérit : “Je n’ai appelé personne, je l’assumerais sinon. Le RN s’amuse à raconter cela pour me compromettre, parce que je leur résiste dans l’Eure, parce qu’ils n’arrivent pas à me combattre.”

Une tempête dans un verre d’eau, qui en dit long sur les atermoiements de la gauche dans sa relation au RN. Jusqu’où la digue tiendra entre elle et l’extrême droite ? Philippe Brun préfère oublier cet épisode, et se réclame plutôt des ardents défenseurs de la Nupes au sein du PS. Il est des rares socialistes à défendre l’idée d’une liste commune pour l’élection européenne, même s’il pointe les mêmes problèmes que les contempteurs de la Nupes. “Il faut l’union avec les Insoumis, mais il faut rééquilibrer le rapport de force sinon on va dans le mur. Nous avons passé une mauvaise année parce que le diplôme du meilleur opposant, c’est le RN qui l’a obtenu alors que le pays n’a jamais été autant à gauche. J’en ai marre de la machine à perdre, mais je resterai unitaire”, assure Philippe Brun, qui a levé son chapeau à Jean-Luc Mélenchon au lendemain des législatives. “Sans lui, la gauche française serait au niveau de la gauche italienne”, a-t-il dit au Point. L’Insoumis en chef s’est alors fendu d’un SMS de remerciement, en ajoutant : “C’est le devoir de votre génération de refonder un PS qui sera prêt à gouverner dans dix ans.”




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